Mot.PasSant

" Parlez d'amour, car tout le reste est crime " Louis Aragon

Dimanche 30 mai 2010 à 16:38

 

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" Il n'y a pas de jeunesse sans la beauté "

- Jules Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques

Samedi 22 mai 2010 à 20:38

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Le Soulier de satin, ce vibrant poème... Parole vivante et Parabole immobile.
Ce n'est pas tous les jours que l'on peut lire une pièce qui mêle si admirablement et puissamment la virtuosité divine du verbe à la grâce souriante de l'amour qui danse. Proprement renversant.
Je vous propose un court extrait, car l'humeur du jour est à la neige de mai, au ciel palpable comme la chair, aux ode secrètes que soulève avec une ardeur enfantine et une fougue encore verte le coeur vierge du printemps. Le Soulier, c'est encore l'enfance du monde, dans sa pureté cruelle,- toujours en fête -, aux couleurs si hautes ! et mêlées d'or qui dévalent les sommets de l'univers !
Je vous le recommande, ami lecteur. Et je vous prie de croire que la chaleur de mon propos n'est pas tout à fait feinte, car d'habitude je m'ennuie en lisant ou en regardant du théâtre. Cette pièce est pourtant une vraie leçon de grandeur, jalonnée d' éclats de rire aux amandes fraîches. (Violaine, que vous êtes belle!)


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DON BALTHZAR: N'est-ce pas celle-là que nous appelions Dona Musique?- J'ai résidé là-bas au temps que je faisais des levées pour la Flandre
- A cause de cette guitare qu'elle ne quittait pas et dont elle ne jouait jamais
Et de ses grands yeux croyants ouverts sur vous et prêts à absorber toutes les merveilles,
Et de ses dents comme des amandes fraîches qui mordaient la lèvre écarlate! et de son rire!
Une musique pour le repos d'Hercule!

(Première journée, scène II)


 




Mardi 11 mai 2010 à 21:20

 

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Les Séparés

N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !

N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !

N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !

N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !

M. Desbores-Valmore

Lundi 10 mai 2010 à 20:27


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"Ce que nous pressentons, il ne faut pas le dire
Gardons-nous de mêler à leur danse, à leur rire
L'écho surnaturel des accents de Là-Bas...
Ce que nous pressentons, il ne faut pas le dire"

 Oscar Venceslas de Lubicz Milosz, le Consolateur




Porte-toi bien


Portez-vous bien, étranger sans chaleur
Dans la gare aux adieux, où les ombres pleurent
Le lilas mort d'amour, desséché par le sort
Portez-vous bien, étranger sans chaleur!

Des araignées blanches tendues
Sur la lyre bleue, ou rouge, je ne sais plus
Volent sur l'arc et vibrent pour la Muse
Comme de belles araignées blanches tendues.

J'ai froid d'aller contre mon sang.
Toi étranger à la vie, au temps, à côté
De l'espace éventré, à travers je m'emporte
Car j'ai froid d'aller contre mon sang!

La Muse Camarade au grand sourire
Elle est beauté souriante, vampire
Plus de transe, belle figée ?
La Muse Camarade veut dormir.

Fêtons les Anges, l'amour et tout ça;
Tu vas partir, je le sais, pour tes idéaux las
J'aurais combattu les sphinx, le feu, ton front bas!
Fêtons les Anges, l'amour et tout ça!

 Quand tu m'auras laissée dans la caverne bleue
- Ecoute! Ecoute la bruyère aux sanglots! -
Je vais m'évanouir en averses sanglantes
Quand tu m'auras laissée dans la caverne bleue...


Elsa




 

Samedi 8 mai 2010 à 15:06

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"– Il ne fallait peut-être pas se désespérer, pensa-t-il.

En effet, elle regarda tout autour d’elle, lentement, comme quelqu’un qui se réveille d’un songe ; puis, d’une voix distincte, elle demanda son miroir, et elle resta penchée dessus quelque temps, jusqu’au moment où de grosses larmes lui découlèrent des yeux. Alors elle se renversa la tête en poussant un soupir et retomba sur l’oreiller.

Sa poitrine aussitôt se mit à haleter rapidement. La langue tout entière lui sortit hors de la bouche ; ses yeux, en roulant, pâlissaient comme deux globes de lampe qui s’éteignent, à la croire déjà morte, sans l’effrayante accélération de ses côtes, secouées par un souffle furieux, comme si l’âme eût fait des bonds pour se détacher. Félicité s’agenouilla devant le crucifix, et le pharmacien lui-même fléchit un peu les jarrets, tandis que M. Canivet regardait vaguement sur la place. Bournisien s’était remis en prière, la figure inclinée contre le bord de la couche, avec sa longue soutane noire qui traînait derrière lui dans l’appartement. Charles était de l’autre côté, à genoux, les bras étendus vers Emma. Il avait pris ses mains et il les serrait, tressaillant à chaque battement de son cœur, comme au contrecoup d’une ruine qui tombe. À mesure que le râle devenait plus fort, l’ecclésiastique précipitait ses oraisons ; elles se mêlaient aux sanglots étouffés de Bovary, et quelquefois tout semblait disparaître dans le sourd murmure des syllabes latines, qui tintaient comme un glas de cloche.

Tout à coup, on entendit sur le trottoir un bruit de gros sa-bots, avec le frôlement d’un bâton ; et une voix s’éleva, une voix rauque, qui chantait :

Souvent la chaleur d’un beau jour
Fait rêver fillette à l’amour.



Emma se releva comme un cadavre que l’on galvanise, les cheveux dénoués, la prunelle fixe, béante.

Pour amasser diligemment
Les épis que la faux moissonne,
Ma Nanette va s’inclinant
Vers le sillon qui nous les donne.


– L’Aveugle s’écria-t-elle.

Et Emma se mit à rire, d’un rire atroce, frénétique, désespéré, croyant voir la face hideuse du misérable, qui se dressait dans les ténèbres éternelles comme un épouvantement.

Il souffla bien fort ce jour-là,
Et le jupon court s’envola !



Une convulsion la rabattit sur le matelas. Tous s’approchèrent. Elle n’existait plus."

Gustave Flaubert


  La main sur ses plaies d'où coule un sang d'encre*!
Le mensonge, comme un fleuve de lait, traverse les coeurs inanimés, et fait illusion d'âme
- dont il possède la fragilité, la consistance nerveuse, et la tragique inconstance!-



Avez-vous aussi un roman qui suit
Le cours et le creux de votre vie
Comme un fleuve d'ombres?



"Au chant des violons, aux flammes des bougies,
Espères-tu chasser ton cauchemar moqueur,
Et viens-tu demander au torrent des orgies
De rafraîchir l'enfer allumé dans ton coeur ?"

Vendredi 7 mai 2010 à 21:15

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Pour celles qui cherchent des mots d'amour
à murmurer au coeur d'un sourd...


A ma femme endormie

Tu dors en croyant que mes vers
Vont encombrer tout l'univers
De désastres et d'incendies ;
Elles sont si rares pourtant
Mes chansons au soleil couchant
Et mes lointaines mélodies.

Mais si je dérange parfois
La sérénité des cieux froids,
Si des sons d'acier ou de cuivre
Ou d'or, vibrent dans mes chansons,
Pardonne ces hautes façons,
C'est que je me hâte de vivre.

Et puis tu m'aimeras toujours.
Éternelles sont les amours
Dont ma mémoire est le repaire ;
Nos enfants seront de fiers gas
Qui répareront les dégâts,
Oue dans ta vie a faits leur père.

Ils dorment sans rêver à rien,
Dans le nuage aérien
Des cheveux sur leurs fines têtes ;
Et toi, près d'eux, tu dors aussi,
Ayant oublié, le souci
De tout travail, de toutes dettes.

Moi je veille et je fais ces vers
Qui laisseront tout l'univers
Sans désastre et sans incendie ;
Et demain, au soleil montant
Tu souriras en écoutant
Cette tranquille mélodie.

Charles Cros


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