Mot.PasSant

" Parlez d'amour, car tout le reste est crime " Louis Aragon

Dimanche 27 juin 2010 à 21:53

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L'adieu


J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends
 
Guillaume Apollinaire

Jeudi 24 juin 2010 à 14:23

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Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance
Riez ! n'attristez pas votre front gracieux,
Votre oeil d'azur, miroir de paix et d'innocence,
Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux !

- V.Hugo, "A une jeune fille"



Il arrive que fleurissent les tombeaux. La pierre endormie, pointe solitaire, parle obstinément d'un cœur poignardé, et qui s'est tu. Que de dames assoupies sous les rigoles de marbre ! Marchons plus doucement; c'est peut-être une amie d’hier qui sommeille-là, où l'amante chérie à l'aile arrachée ? De l’aile brisée coulent des fleuves languides, ivres d’eux-mêmes, lourds d’ondes sanglantes … Sous la tombe un grand rire qui remue; arrête-toi à ce marbre qui palpite, pose la main, éprouve. Entre tes doigts tu sens la pulpe d’un sein mort, immortelle fraîcheur, chair en dehors du Destin ! La stèle luit et crève la terre : une plaie sifflante comme un long serpent, la gueule en sang.

Vois la pierre qui devient femme. Des bras s’étirent douloureusement du marbre,- mains convulsées, tordues, cassantes ! – toutes paumes tendues vers les vivants qui marchent. Les doigts fragiles, décolorés comme un sourire d’archange, s’agrippent à la matière. Qu’est-ce que l’immortalité ? C’est un soupir de fée après les batailles qui épuisent. Ce sont les plaies qui refusent de guérir. Ces petites mains noyées, vraies petites flammes, s’agrippent passionnément à la pierre comme à une poitrine d’homme, et laissent dans le marbre de larges sillons gorgés d’or et de sang.

Fou-rire d’au-delà : elle sort, ma beauté maudite et avance de derrière sa pierre, hanchement  marmoréen et argenté, la bouche grande ouverte comme la nuit ,et ,dans son sillage, des illusions opalines luisent ainsi que des boursouflures gangrénées. Soudain une ombre pâle traverse le beau corps, invité à la fête de la vie, murmure arraché au néant; la belle avale brusquement le temps, les empires, les chimères, les cieux et les mondes !

« A qui songes-tu ? »  

Soudain elle voit tout, elle le voit lui ! Prends ma chair et parle, Morte amoureuse. Je sais que tu le sens au dessus de toi, quand il faisait jour encore dans ton cœur cadavéreux ; il est penché sur ton trouble, la main fermement serré  autour de ton cou, son regard perdu d’extase implore ton chaos fécond, une énergie fluide comme un fleuve ivre, et commande au plaisir ! Son corps égaré se tort, il se mord la bouche, se cabre sensuellement, affamé peut-être d’une vie plus courbe, déployant ses ailes immenses ! Les cheveux tombant sur la face, il devient spectre un instant, et éclaire son visage penché en gémissant aux portes de la douleur. C’était cela, le flot effréné de l’existence.

 Elle pose un long regard de soir vers la pierre, elle s’en retourne avec son cortège sanglant de langueurs, près de son amour assoupi. Elle s’envole doucement en pures averses noires, rêvant son amant estompé, jusqu’au tombeau pourri.

Elle est immortelle maintenant.


Mercredi 23 juin 2010 à 21:03

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Un cygne avance sur l'eau
tout entouré de lui-même,
comme un glissant tableau.
ainsi à certains instants
un être que l'on aime
est tout un espace mouvant.

Il se rapproche, doublé,
comme un cygne qui nage,
sur notre âme troublée
qui a cet être ajoute
la tremblante image
de bonheur et de doute.

Rilke*

*Trad. Pléiade
(j'ai quelques incertitudes sur la ponctuation)



Dimanche 13 juin 2010 à 13:25


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Romance

J'ai mille oiseaux de mer d'un gris pâle,
Qui nichent au haut de ma belle âme,
Ils en emplissent les tristes salles
De rythmes pris aux plus fines lames....

Or, ils salissent tout de charognes,
Et aussi de coraux, de coquilles ;
Puis volent en tonds fous, et se cognent
A mes probes lambris de famille .....

Oiseaux pâles, oiseaux des sillages !
Quand la fiancée ouvrira la porte,
Faites un collier des coquillages
Et que l'odeur de charogn's soit forte !....

Qu'Elle dise : " Cette âme est bien forte
" Pour mon petit nez.... - je me r'habille.
" Mais ce beau collier ? hein, je l'emporte ?
" Il ne lui sert de rien, pauvre fille.... "

Jules Laforgue


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