Mot.PasSant

" Parlez d'amour, car tout le reste est crime " Louis Aragon

Samedi 31 juillet 2010 à 21:56

http://mot.passant.cowblog.fr/images/BidusesbySpanglesOfDream.jpg



"Car je m'écoule et deviens marécage
Où va la nuit bleuir les feux follets
Langue de feu qui veille mon passage."

- Jean Genet




Les ombres bleues


Je me souviens de toi
Nu sur le brocard céleste,

Allongé sur la flamme
 Seule, guide de ton aile éventrée.

Quand tu iras en feu dans la mer
Imiter le soleil aux langues d'acier,

Nous sommeillerons le long
De tes paupières fermées.

Lourds comme le tissu d'un rêve,
Nous sombrerons
Presque morts pour toujours.

Ivres de vapeurs d'astres
Tituber sous les arches sombres,

S'évanouir
Comme deux ombres.



Elsa

Dimanche 11 juillet 2010 à 21:56

http://mot.passant.cowblog.fr/images/a77d140a3e2cf02208e41491799e0715.jpg
 


" L' Amant qui n'est pas tout n'est rien.
"

[ Honoré de Balzac ]
 

Dimanche 11 juillet 2010 à 21:48

http://mot.passant.cowblog.fr/images/lovebycinawar.jpg

Les chemins qui nous séparent un moment
Te mèneront bien loin, jolie môme;
Au lever de la vie, envolée sous le dôme,
La passion et l'Ailleurs ne brillent qu'un instant. 

N'oublie jamais ton amie Elsa.



Adieu !

Adieu ! je crois qu'en cette vie
Je ne te reverrai jamais.
Dieu passe, il t'appelle et m'oublie ;
En te perdant je sens que je t'aimais.

Pas de pleurs, pas de plainte vaine.
Je sais respecter l'avenir.
Vienne la voile qui t'emmène,
En souriant je la verrai partir.

Tu t'en vas pleine d'espérance,
Avec orgueil tu reviendras ;
Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,
Tu ne les reconnaîtras pas.

Adieu ! tu vas faire un beau rêve
Et t'enivrer d'un plaisir dangereux ;
Sur ton chemin l'étoile qui se lève
Longtemps encor éblouira tes yeux.

Un jour tu sentiras peut-être
Le prix d'un coeur qui nous comprend,
Le bien qu'on trouve à le connaître,
Et ce qu'on souffre en le perdant.

Alfred de Musset

Samedi 10 juillet 2010 à 14:27

http://mot.passant.cowblog.fr/images/SpiderinlovebyAndreyEroshkin.jpg
 
 
 
Les Djinns



Murs, ville
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise
Tout dort.

Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit.

La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.

La rumeur approche,
L'écho la redit.
C'est comme la cloche
D'un couvent maudit,
Comme un bruit de foule
Qui tonne et qui roule
Et tantôt s'écroule
Et tantôt grandit.

Dieu! La voix sépulcrale
Des Djinns!... - Quel bruit ils font!
Fuyons sous la spirale
De l'escalier profond!
Déjà s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe..
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond.

C'est l'essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant.
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau lourd et rapide,
Volant dans l'espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Ils sont tout près! - Tenons fermée
Cette salle ou nous les narguons
Quel bruit dehors! Hideuse armée
De vampires et de dragons!
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu'une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée,
Tremble, à déraciner ses gonds.

Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure!
L'horrible essaim, poussé par l'aquillon,
Sans doute, o ciel! s'abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l'on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu'il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon!

Prophète! Si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J'irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs!
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d'étincelles,
Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs!

Ils sont passés! - Leur cohorte
S'envole et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L'air est plein d'un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés!

De leurs ailes lointaines
Le battement décroît.
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l'on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d'une voix grêle
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d'un vieux toit.

D'étranges syllabes
Nous viennent encor.
Ainsi, des Arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leur pas;
Leur essaim gronde;
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu'on ne voit pas.

Ce bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord;
C'est la plainte
Presque éteinte
D'une sainte
Pour un mort.

On doute
La nuit...
J'écoute: -
Tout fuit,
Tout passe;
L'espace
Efface
Le bruit
 

Mardi 6 juillet 2010 à 18:42



http://mot.passant.cowblog.fr/images/b0839af8729cf428.jpg



J'aurai ce châle aux éclatantes broderies
Qui fait songer aux courses espagnoles,
Des cheveux courts en auréole
Comme Maë Murray, des yeux qui rient,
Un teint de cuivre et l'air, non pas d'être guérie,
Mais de n'avoir jamais connu de maladie !

- Sabine Sicaud, "Quand je serai guérie"


Sur des sentiers poudreux
Longs et lents comme des larmes
Dans le sillage des songes
Et les pas suspendus,

Nous parlerons.

Tu reviendras pour moi,
Sans bouquet ni pleur,
A genoux dans la cendre
Et la poussière évaporée des soleils,

Nous parlerons.

Des sérails soyeux gorgés d'ors,
Et de fleurs et d'effluves,
Déchirés par mes pâleurs maladives 
Ou le temps, et toutes les fatigues jalouses
Qui ternissent les beaux miroirs d'Orient !

Et nos conversations, alors!
Dans un grand palais ouvert aux cieux
Auront les tendres inflexions
Des anges, la passion des mots choisis
Brodés de langues perdues,
Des orbes satin rouge ainsi qu'une robe
Dont le feu luit dans la nuit.

Reste. Parlons encore !

Ce soir il faut que tu m'adores.
Ton retour avait un vrai parfum d'amour
Ou l'haleine du tombeau.
Est-ce une prière ardente
Qui perle à tes yeux clos?
Ou la lassitude des caresses
Qu'un roi refuse par caprice
A sa plus fière maîtresse?

Tu dois partir
Déjà. Les pas reprennent
Et tu danses le bel adieu.
Quittant mon désert métallique
Notre beau ciel vert et bleu.

Je sens dans le vent
Ta course sur mon corps ardent
Doucement veiné de fleuves bruns.



Elsa

(atrocement romantique...
Soyons douloureusement cliché,
béatement naïf et bêtement amoureux
Mais toujours intensément,
Quand on a vingt ans.)




Mardi 6 juillet 2010 à 14:40

http://mot.passant.cowblog.fr/images/64ae4947b56426368567be9aa214d013.jpg



Le Temps

Ode

I

Le Temps ne surprend pas le sage ;
Mais du Temps le sage se rit,
Car lui seul en connaît l'usage ;
Des plaisirs que Dieu nous offrit,
Il sait embellir l'existence ;
Il sait sourire à l'espérance,
Quand l'espérance lui sourit.

II

Le bonheur n'est pas dans la gloire,
Dans les fers dorés d'une cour,
Dans les transports de la victoire,
Mais dans la lyre et dans l'amour.
Choisissons une jeune amante,
Un luth qui lui plaise et l'enchante ;
Aimons et chantons tour à tour !

III

" Illusions ! vaines images ! "
Nous dirons les tristes leçons
De ces mortels prétendus sages
Sur qui l'âge étend ses glaçons ; "
" Le bonheur n'est point sur la terre,
Votre amour n'est qu'une chimère,
Votre lyre n'a que des sons ! "

IV

Ah ! préférons cette chimère
A leur froide moralité ;
Fuyons leur voix triste et sévère ;
Si le mal est réalité,
Et si le bonheur est un songe,
Fixons les yeux sur le mensonge,
Pour ne pas voir la vérité.

V

Aimons au printemps de la vie,
Afin que d'un noir repentir
L'automne ne soit point suivie ;
Ne cherchons pas dans l'avenir
Le bonheur que Dieu nous dispense ;
Quand nous n'aurons plus l'espérance,
Nous garderons le souvenir.

VI

Jouissons de ce temps rapide
Qui laisse après lui des remords,
Si l'amour, dont l'ardeur nous guide,
N'a d'aussi rapides transports :
Profitons de l'adolescence,
Car la coupe de l'existence
Ne pétille que sur ses bords !


Gérard de Nerval

<< Page précédente | 1 | Page suivante >>

Créer un podcast