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" Parlez d'amour, car tout le reste est crime " Louis Aragon

Jeudi 30 juin 2011 à 21:39


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 [ " C'est moi, les orgues de l'univers !" ]

L-F Céline

Vendredi 3 juin 2011 à 20:00



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Il n’est pas beau. Je ne sais même pas s’il est vivant.

Il n’a rien de cette beauté des princes, invincible, blanche, brusque comme un coup de glaive qui foudroie. Ces hommes sûrs qui vous ravissent à vous-même, leur rage qui flambe d’ardeur toute mâle, aveugles, amoureux d’instinct. Il n’a pas de sang. Il passe dans la vie, fluide, solitaire et humble, léger comme un petit Amour défiguré sans un sanglot - l’arc brisé -, des pleurs comme des ombres sur son long visage… Quand tous les autres écrasent, déliés, indifférents, heureux de leur jeunesse et fiers de leur beauté, qui gonflent leurs chairs lumineuses comme un grand flot ! bêtes d’amour ! Lui est laid, et tout le blesse : alors il se cache. Le monde l’enterre dans sa danse ; toujours invisible pour celles qui n’ont pas souffert et qui n’ont pas aimé, mais qui dansent aussi, puis arrachent la tête de l’amant. Il n’a jamais été enfant : on ne peut pas le tuer. Il est seul et connait les dieux. Pleins de rêve, ses grands yeux s’allongent ; un œil surtout, celui qui s’entrouvre lorsque je dors. Ciel mobile et méconnu, lourd de songes en cavale, creusés d’angoisse ! Les ombres s’y étirent et se voilent, et laissent à ses sourires d’insondables cicatrices, pâles comme des larmes. Tout chez lui est mince et sensuel, nerveux et souple, pour qui adore les ivresses savantes, pour qui sait attendre et regarder. Alors, il éclot et devient solaire ! follement ombrageux ! Il ne pardonne pas l’amour. Il se déroule et mord comme un chat amaigri, une couleuvre tranquille, ironique animal qu’il faut aimer, et qui n’aimera jamais. 

 

Personne ne sait ses extases, ses transes : il n’est pas beau, mais il est grand. Je sommeille à ses pieds, vaincue; amoureuse inutile de tous ses gestes fatigués, de ses paroles confuses de sacrifié, de ses plaies longues comme des sourires de vierges. J’attends qu’il se laisse traquer.     

  Je ne demandais à ses silences que la sécurité de l’amour vrai. 
 

 

Ses pas inconnus marqueront à jamais ce monde en joie.  

 

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