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" Parlez d'amour, car tout le reste est crime " Louis Aragon

Jeudi 28 octobre 2010 à 22:04

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Monsieur pardonnez-moi
de vous importuner
quel bizarre chapeau
vous avez sur la tête !

-Monsieur vous vous trompez
car je n'ai plus de tête
comment voulez-vous donc
que je porte un chapeau !

-Et quel est cet habit
dont vous êtes vêtu ?

-Monsieur je le regrette
mais je n'ai plus de corps
et n'ayant plus de corps
je ne mets plus d'habit

-Pourtant lorsque je parle
Monsieur vous répondez
et cela m'encourage
à vous interroger :

Monsieur quels sont ces gens
que je vois rassemblés
et qui semblent attendre
avant de s'avancer ?

-Monsieur ce sont des arbres
dans une plaine immense
Ils ne peuvent bouger
car ils sont attachés

Monsieur Monsieur Monsieur
au-dessus de nos têtes
Quels sont ces yeux nombreux
qui dans la nuit regardent ?

-Monsieur ce sont des astres
Ils tournent sur eux-même
et ne regardent rien

-Monsieur quels sont ces cris
quelque part on dirait
on dirait que l'on rit
on dirait que l'on pleure
on dirait que l'on souffre ?

-Monsieur ce sont les dents
les dents de l'océan
qui mordent les rochers
sans avoir soif ni faim
et sans férocité

-Monsieur quels sont ces actes
ces mouvements de feux
ces déplacements d'air
ces déplacements d'astres
roulements de tambour
roulements de tonnerre
on dirait des armées
qui partent pour la guerre
sans avoir d'ennemi ?

-Monsieur c'est la matière
qui s'enfante elle-même
et se fait des enfants
pour se faire la guerre

-Monsieur soudain ceci
soudain ceci m'étonne
Il n'y a plus personne
pourtant moi je vous parle
et vous vous m'entendez
puisque vous répondez !

-Monsieur ce sont les choses
qui ne voient ni n'entendent
mais qui voudraient entendre
et qui voudraient parler

-Monsieur à travers tout
quelles sont ces images
tantôt en liberté
et tantôt enfermées
Cette énorme pensée
Où des figure passent
Où brillent des couleurs ?

-Monsieur c'était l'espace
et l'espace
se meurt

Jean Tardieu


 

Samedi 23 octobre 2010 à 22:43


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[...]

" - Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ? "

- Paul Verlaine

Vendredi 22 octobre 2010 à 20:07


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" Il fallait bien qu'un visage
Réponde à tous les noms du monde."


- Paul Eluard

Samedi 11 septembre 2010 à 12:27

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Jeune fille, l'amour, c'est d'abord un miroir

Jeune fille, l'amour, c'est d'abord un miroir
Où la femme coquette et belle aime à se voir,
Et, gaie ou rêveuse, se penche ;
Puis, comme la vertu, quand il a votre coeur,
Il en chasse le mal et le vice moqueur,
Et vous fait l'âme pure et blanche ;

Puis on descend un peu, le pied vous glisse... - Alors
C'est un abîme ! en vain la main s'attache aux bords,
On s'en va dans l'eau qui tournoie ! -
L'amour est charmant, pur, et mortel. N'y crois pas !
Tel l'enfant, par un fleuve attiré pas à pas,
S'y mire, s'y lave et s'y noie.

Victor Hugo


Samedi 11 septembre 2010 à 11:27

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Souvenirs d'avril

Le rythme argentin de ta voix
Dans mes rêves gazouille et tinte.
Chant d'oiseau, bruit de source au bois,
Qui réveillent ma joie éteinte.

Mais les bois n'ont pas de frissons,
Ni les harpes éoliennes.
Qui soient si doux que tes chansons,
Que tes chansons tyroliennes.

Parfois le vent m'apporte encor
L'odeur de ta blonde crinière.
Et je revois tout le décor
D'une folle nuit, printanière ;

D'une des nuits, où tes baisers
S'entremêlaient d'historiettes,
Pendant que de tes doigts rosés
Tu te roulais des cigarettes ;

Où ton babil, tes mouvements
Prenaient l'étrange caractère
D'inquiétants miaulements,
De mordillements de panthère.

*

Puis tu livrais tes trésors blancs
Avec des poses languissantes...
Le frisson emperlait tes flancs
Émus des voluptés récentes.

*

Ainsi ton image me suit,
Réconfort aux heures glacées,
Sereine étoile de la nuit
Où dorment mes splendeurs passées.

Ainsi, dans les pays fictifs
Où mon âme erre vagabonde,
Les fonds noirs de cyprès et d'ifs,
S'égayent de ta beauté blonde.

*

Et, dans l'écrin du souvenir
Précieusement enfermée,
Perle que rien ne peut ternir,
Tu demeures la plus aimée.


Charles Cros


Dimanche 5 septembre 2010 à 10:50

 
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Les femmes sont faites pour être aimées,
pas pour être comprises.

[ Oscar Wilde ]


.

Samedi 28 août 2010 à 22:33

 
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Je voudrais que tu gardes
Pour moi
 
Le sang du songe
La joie d'un baiser reçu
De la muse,
Sur ton front tendu
A l'aura
Et la solitude du génie

Tout ça, seule,
Pour moi

Et que tu cries
Nos paumes furieuses
Les morsures et l'agonie
Pesante aux larmes silencieuses
Panse ma chair jalouse
Aux lourdes veines cuivre.

Donne ton cou
Ce creux odorant
Pense à l'infini contraire
De la beauté, de la mort

Tu n'es plus
Epris de la peau symétrique
De la muse aux yeux funèbres
La belle paresseuse, sous les caresses!


Je la tue, elle opresse
Notre romance, notre jeunesse

Garde pour moi seule
Tes grands élans, tes beaux romans.


Elsa



.

Samedi 31 juillet 2010 à 21:56

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"Car je m'écoule et deviens marécage
Où va la nuit bleuir les feux follets
Langue de feu qui veille mon passage."

- Jean Genet




Les ombres bleues


Je me souviens de toi
Nu sur le brocard céleste,

Allongé sur la flamme
 Seule, guide de ton aile éventrée.

Quand tu iras en feu dans la mer
Imiter le soleil aux langues d'acier,

Nous sommeillerons le long
De tes paupières fermées.

Lourds comme le tissu d'un rêve,
Nous sombrerons
Presque morts pour toujours.

Ivres de vapeurs d'astres
Tituber sous les arches sombres,

S'évanouir
Comme deux ombres.



Elsa

Dimanche 11 juillet 2010 à 21:56

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" L' Amant qui n'est pas tout n'est rien.
"

[ Honoré de Balzac ]
 

Dimanche 11 juillet 2010 à 21:48

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Les chemins qui nous séparent un moment
Te mèneront bien loin, jolie môme;
Au lever de la vie, envolée sous le dôme,
La passion et l'Ailleurs ne brillent qu'un instant. 

N'oublie jamais ton amie Elsa.



Adieu !

Adieu ! je crois qu'en cette vie
Je ne te reverrai jamais.
Dieu passe, il t'appelle et m'oublie ;
En te perdant je sens que je t'aimais.

Pas de pleurs, pas de plainte vaine.
Je sais respecter l'avenir.
Vienne la voile qui t'emmène,
En souriant je la verrai partir.

Tu t'en vas pleine d'espérance,
Avec orgueil tu reviendras ;
Mais ceux qui vont souffrir de ton absence,
Tu ne les reconnaîtras pas.

Adieu ! tu vas faire un beau rêve
Et t'enivrer d'un plaisir dangereux ;
Sur ton chemin l'étoile qui se lève
Longtemps encor éblouira tes yeux.

Un jour tu sentiras peut-être
Le prix d'un coeur qui nous comprend,
Le bien qu'on trouve à le connaître,
Et ce qu'on souffre en le perdant.

Alfred de Musset

Samedi 10 juillet 2010 à 14:27

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Les Djinns



Murs, ville
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise
Tout dort.

Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit.

La voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.

La rumeur approche,
L'écho la redit.
C'est comme la cloche
D'un couvent maudit,
Comme un bruit de foule
Qui tonne et qui roule
Et tantôt s'écroule
Et tantôt grandit.

Dieu! La voix sépulcrale
Des Djinns!... - Quel bruit ils font!
Fuyons sous la spirale
De l'escalier profond!
Déjà s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe..
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond.

C'est l'essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant.
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau lourd et rapide,
Volant dans l'espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Ils sont tout près! - Tenons fermée
Cette salle ou nous les narguons
Quel bruit dehors! Hideuse armée
De vampires et de dragons!
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu'une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée,
Tremble, à déraciner ses gonds.

Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure!
L'horrible essaim, poussé par l'aquillon,
Sans doute, o ciel! s'abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l'on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu'il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon!

Prophète! Si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J'irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs!
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d'étincelles,
Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs!

Ils sont passés! - Leur cohorte
S'envole et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L'air est plein d'un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés!

De leurs ailes lointaines
Le battement décroît.
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l'on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d'une voix grêle
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d'un vieux toit.

D'étranges syllabes
Nous viennent encor.
Ainsi, des Arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leur pas;
Leur essaim gronde;
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu'on ne voit pas.

Ce bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord;
C'est la plainte
Presque éteinte
D'une sainte
Pour un mort.

On doute
La nuit...
J'écoute: -
Tout fuit,
Tout passe;
L'espace
Efface
Le bruit
 

Mardi 6 juillet 2010 à 18:42



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J'aurai ce châle aux éclatantes broderies
Qui fait songer aux courses espagnoles,
Des cheveux courts en auréole
Comme Maë Murray, des yeux qui rient,
Un teint de cuivre et l'air, non pas d'être guérie,
Mais de n'avoir jamais connu de maladie !

- Sabine Sicaud, "Quand je serai guérie"


Sur des sentiers poudreux
Longs et lents comme des larmes
Dans le sillage des songes
Et les pas suspendus,

Nous parlerons.

Tu reviendras pour moi,
Sans bouquet ni pleur,
A genoux dans la cendre
Et la poussière évaporée des soleils,

Nous parlerons.

Des sérails soyeux gorgés d'ors,
Et de fleurs et d'effluves,
Déchirés par mes pâleurs maladives 
Ou le temps, et toutes les fatigues jalouses
Qui ternissent les beaux miroirs d'Orient !

Et nos conversations, alors!
Dans un grand palais ouvert aux cieux
Auront les tendres inflexions
Des anges, la passion des mots choisis
Brodés de langues perdues,
Des orbes satin rouge ainsi qu'une robe
Dont le feu luit dans la nuit.

Reste. Parlons encore !

Ce soir il faut que tu m'adores.
Ton retour avait un vrai parfum d'amour
Ou l'haleine du tombeau.
Est-ce une prière ardente
Qui perle à tes yeux clos?
Ou la lassitude des caresses
Qu'un roi refuse par caprice
A sa plus fière maîtresse?

Tu dois partir
Déjà. Les pas reprennent
Et tu danses le bel adieu.
Quittant mon désert métallique
Notre beau ciel vert et bleu.

Je sens dans le vent
Ta course sur mon corps ardent
Doucement veiné de fleuves bruns.



Elsa

(atrocement romantique...
Soyons douloureusement cliché,
béatement naïf et bêtement amoureux
Mais toujours intensément,
Quand on a vingt ans.)




Mardi 6 juillet 2010 à 14:40

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Le Temps

Ode

I

Le Temps ne surprend pas le sage ;
Mais du Temps le sage se rit,
Car lui seul en connaît l'usage ;
Des plaisirs que Dieu nous offrit,
Il sait embellir l'existence ;
Il sait sourire à l'espérance,
Quand l'espérance lui sourit.

II

Le bonheur n'est pas dans la gloire,
Dans les fers dorés d'une cour,
Dans les transports de la victoire,
Mais dans la lyre et dans l'amour.
Choisissons une jeune amante,
Un luth qui lui plaise et l'enchante ;
Aimons et chantons tour à tour !

III

" Illusions ! vaines images ! "
Nous dirons les tristes leçons
De ces mortels prétendus sages
Sur qui l'âge étend ses glaçons ; "
" Le bonheur n'est point sur la terre,
Votre amour n'est qu'une chimère,
Votre lyre n'a que des sons ! "

IV

Ah ! préférons cette chimère
A leur froide moralité ;
Fuyons leur voix triste et sévère ;
Si le mal est réalité,
Et si le bonheur est un songe,
Fixons les yeux sur le mensonge,
Pour ne pas voir la vérité.

V

Aimons au printemps de la vie,
Afin que d'un noir repentir
L'automne ne soit point suivie ;
Ne cherchons pas dans l'avenir
Le bonheur que Dieu nous dispense ;
Quand nous n'aurons plus l'espérance,
Nous garderons le souvenir.

VI

Jouissons de ce temps rapide
Qui laisse après lui des remords,
Si l'amour, dont l'ardeur nous guide,
N'a d'aussi rapides transports :
Profitons de l'adolescence,
Car la coupe de l'existence
Ne pétille que sur ses bords !


Gérard de Nerval

Dimanche 27 juin 2010 à 21:53

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L'adieu


J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps brin de bruyère
Et souviens-toi que je t’attends
 
Guillaume Apollinaire

Jeudi 24 juin 2010 à 14:23

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Riez pourtant ! du sort ignorez la puissance
Riez ! n'attristez pas votre front gracieux,
Votre oeil d'azur, miroir de paix et d'innocence,
Qui révèle votre âme et réfléchit les cieux !

- V.Hugo, "A une jeune fille"



Il arrive que fleurissent les tombeaux. La pierre endormie, pointe solitaire, parle obstinément d'un cœur poignardé, et qui s'est tu. Que de dames assoupies sous les rigoles de marbre ! Marchons plus doucement; c'est peut-être une amie d’hier qui sommeille-là, où l'amante chérie à l'aile arrachée ? De l’aile brisée coulent des fleuves languides, ivres d’eux-mêmes, lourds d’ondes sanglantes … Sous la tombe un grand rire qui remue; arrête-toi à ce marbre qui palpite, pose la main, éprouve. Entre tes doigts tu sens la pulpe d’un sein mort, immortelle fraîcheur, chair en dehors du Destin ! La stèle luit et crève la terre : une plaie sifflante comme un long serpent, la gueule en sang.

Vois la pierre qui devient femme. Des bras s’étirent douloureusement du marbre,- mains convulsées, tordues, cassantes ! – toutes paumes tendues vers les vivants qui marchent. Les doigts fragiles, décolorés comme un sourire d’archange, s’agrippent à la matière. Qu’est-ce que l’immortalité ? C’est un soupir de fée après les batailles qui épuisent. Ce sont les plaies qui refusent de guérir. Ces petites mains noyées, vraies petites flammes, s’agrippent passionnément à la pierre comme à une poitrine d’homme, et laissent dans le marbre de larges sillons gorgés d’or et de sang.

Fou-rire d’au-delà : elle sort, ma beauté maudite et avance de derrière sa pierre, hanchement  marmoréen et argenté, la bouche grande ouverte comme la nuit ,et ,dans son sillage, des illusions opalines luisent ainsi que des boursouflures gangrénées. Soudain une ombre pâle traverse le beau corps, invité à la fête de la vie, murmure arraché au néant; la belle avale brusquement le temps, les empires, les chimères, les cieux et les mondes !

« A qui songes-tu ? »  

Soudain elle voit tout, elle le voit lui ! Prends ma chair et parle, Morte amoureuse. Je sais que tu le sens au dessus de toi, quand il faisait jour encore dans ton cœur cadavéreux ; il est penché sur ton trouble, la main fermement serré  autour de ton cou, son regard perdu d’extase implore ton chaos fécond, une énergie fluide comme un fleuve ivre, et commande au plaisir ! Son corps égaré se tort, il se mord la bouche, se cabre sensuellement, affamé peut-être d’une vie plus courbe, déployant ses ailes immenses ! Les cheveux tombant sur la face, il devient spectre un instant, et éclaire son visage penché en gémissant aux portes de la douleur. C’était cela, le flot effréné de l’existence.

 Elle pose un long regard de soir vers la pierre, elle s’en retourne avec son cortège sanglant de langueurs, près de son amour assoupi. Elle s’envole doucement en pures averses noires, rêvant son amant estompé, jusqu’au tombeau pourri.

Elle est immortelle maintenant.


Mercredi 23 juin 2010 à 21:03

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Un cygne avance sur l'eau
tout entouré de lui-même,
comme un glissant tableau.
ainsi à certains instants
un être que l'on aime
est tout un espace mouvant.

Il se rapproche, doublé,
comme un cygne qui nage,
sur notre âme troublée
qui a cet être ajoute
la tremblante image
de bonheur et de doute.

Rilke*

*Trad. Pléiade
(j'ai quelques incertitudes sur la ponctuation)



Dimanche 13 juin 2010 à 13:25


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Romance

J'ai mille oiseaux de mer d'un gris pâle,
Qui nichent au haut de ma belle âme,
Ils en emplissent les tristes salles
De rythmes pris aux plus fines lames....

Or, ils salissent tout de charognes,
Et aussi de coraux, de coquilles ;
Puis volent en tonds fous, et se cognent
A mes probes lambris de famille .....

Oiseaux pâles, oiseaux des sillages !
Quand la fiancée ouvrira la porte,
Faites un collier des coquillages
Et que l'odeur de charogn's soit forte !....

Qu'Elle dise : " Cette âme est bien forte
" Pour mon petit nez.... - je me r'habille.
" Mais ce beau collier ? hein, je l'emporte ?
" Il ne lui sert de rien, pauvre fille.... "

Jules Laforgue


Dimanche 30 mai 2010 à 16:38

 

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" Il n'y a pas de jeunesse sans la beauté "

- Jules Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques

Samedi 22 mai 2010 à 20:38

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Le Soulier de satin, ce vibrant poème... Parole vivante et Parabole immobile.
Ce n'est pas tous les jours que l'on peut lire une pièce qui mêle si admirablement et puissamment la virtuosité divine du verbe à la grâce souriante de l'amour qui danse. Proprement renversant.
Je vous propose un court extrait, car l'humeur du jour est à la neige de mai, au ciel palpable comme la chair, aux ode secrètes que soulève avec une ardeur enfantine et une fougue encore verte le coeur vierge du printemps. Le Soulier, c'est encore l'enfance du monde, dans sa pureté cruelle,- toujours en fête -, aux couleurs si hautes ! et mêlées d'or qui dévalent les sommets de l'univers !
Je vous le recommande, ami lecteur. Et je vous prie de croire que la chaleur de mon propos n'est pas tout à fait feinte, car d'habitude je m'ennuie en lisant ou en regardant du théâtre. Cette pièce est pourtant une vraie leçon de grandeur, jalonnée d' éclats de rire aux amandes fraîches. (Violaine, que vous êtes belle!)


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DON BALTHZAR: N'est-ce pas celle-là que nous appelions Dona Musique?- J'ai résidé là-bas au temps que je faisais des levées pour la Flandre
- A cause de cette guitare qu'elle ne quittait pas et dont elle ne jouait jamais
Et de ses grands yeux croyants ouverts sur vous et prêts à absorber toutes les merveilles,
Et de ses dents comme des amandes fraîches qui mordaient la lèvre écarlate! et de son rire!
Une musique pour le repos d'Hercule!

(Première journée, scène II)


 




Mardi 11 mai 2010 à 21:20

 

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Les Séparés

N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon coeur, c'est frapper au tombeau.
N'écris pas !

N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.
N'écris pas !

N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
N'écris pas !

N'écris pas ces doux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon coeur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon coeur.
N'écris pas !

M. Desbores-Valmore

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